Dimanche
soir, je m’en vais en direction de la ferme d’Audrey mon hôte pour mon premier
Wwoof. Il faut compter environ 40 kilomètres au Nord de Warkworth pour s’y
rendre. J’arrive en soirée, mes premières impressions sont mitigées, la ferme
est vraiment isolée au fond d’une vallée au bout de 4 kilomètres de gravel
road dans la jungle. La route et les alentours de la ferme, un peu à l’image de
la marre des oiseaux, baignent dans la boue. Des cabanes sont dispersées autour
d’une cour centrale et la première chose que me montre un wwoofer : le WC
biologique (un simple trou dans un banc en bois, en guise de chasse d’eau il
faut recouvrir ses besoins avec de l’écorce). À l’intérieur de l’habitation des
wwoofers je contemple un bazar sommairement organisé. Et surtout de prime abord,
Audrey me demande des taches en anglais mais je n’en saisis que la moitié, et
elle me montre un lit tout juste à ma taille dans un dortoir. J’écope aussi dès
le premier soir de la corvée de pluche pour préparer le repas pour 12
personnes. Je me demande dans quoi je me suis embarqué.
La ferme de mon wwoof.
Le baraquement des wwoofers.
Mais
passé ces premières heures où tout est nouveau, où il faut apprendre de
nouvelles règles de vie en communauté et parler continuellement en anglais pour
se faire comprendre, je commence à me plaire de cette nouvelle vie. Je
sympathise très vite avec les autres wwoofers et avec la famille qui
m’accueille. À mon arrivée, nous sommes 8 wwoofers de diverses
nationalités : Johannes un allemand, Miki une japonaise, Régis et Adrien
des français, et Aaron, Allen et Sandy des chinois (depuis Allen et Sandy sont
retournés sur Auckland tandis que deux autres français nous ont rejoint :
Gautier et Aurélien).
Notre groupe de wwoofers.
(De gauche à droite : Johannes, Miki, Aaron, Allen,
Sandy, Adrien, Régis, et moi)
Nous
travaillons 6 heures par jour (5 heures le matin, une en fin d’après midi), et
ce 6 jours sur 7. Nous bénéficions d’un day off et d’une grande liberté en
dehors du boulot. Les tâches et rôles de chacun changent chaque jour ;
mais il y a deux constantes : la promenade des chiens et nourrir les
volailles. Les chiens sont au nombre de six et il faut les promener matin et
soir. Ce n’est vraiment pas compliqué ; c’est un peu la tâche que tout le
monde veut faire. Et concernant les volailles il y en a pas moins d’une
cinquantaine (des dindons, des canards, des poules et des perdrix) à nourrir
matin et soir. Il faut aussi régulièrement nettoyer les poulaillers et
surveiller 2 beaux cochons pour qu’ils ne mangent pas la nourriture des
volatiles.
Les dindons qui profitent du soleil d'hiver.
Concernant
les autres travaux à effectuer, ils diffèrent et dépendent des contraintes du
moment. Il s’agit d’utiliser des techniques reposant sur des principes de
permaculture et aussi de faire pousser les fruits et les légumes selon des méthodes
dites organiques. Audrey s’arrange toujours pour nous mettre à des postes
différents et changer de collègues de travail. En une semaine, je n’ai ainsi ni
eu la sensation de répétition ni même de lassitude. Par exemple, dès le second
jour, j’ai pu participer à la construction d’un four en argile ; il est
destiné à la communauté pour y faire cuire du pain, des pizzas ou de la viande.
C’est un grand four de 3
mètres de diamètre que nous élaborons en puissant de la
terre argileuse bien rouge directement sur place. Nous incorporons à l’argile
de l’eau, de la chaux, du ciment, du sable, et des scories. Le mélange est
apposé à la main et nous façonnons étages par étages, couche après couche,
l’édifice. C’est un procédé vraiment long (il faut 3 mois de séchage) mais au
final le four est suffisamment solide. Pour preuve, récemment on a dû le
reprendre pour rectifier l’aplomb des murs, au niveau de la base on a dû
utiliser des burins et des masses ! J’ai déjà eu l’occasion d’y travailler
plusieurs fois ; c’est un peu le challenge fil rouge du wwoof. En ce
moment je suis le spécialiste du lissage des parois tel un plâtrier.
L’argile qui participe à la construction du four est extraite
directement sur place, c’est d’ailleurs sa présence qui a décidé de l’emplacement
du four.
Allen, Johannes et moi à notre poste de travail pour le
four.
Sinon,
j’ai depuis ces 12 jours eu l’occasion de couper et de ranger du bois dans la
jungle, aménager des routes avec du gravas, nettoyer différents outils, et
ranger la maison des wwoofers. Lors de la manutention des bûches avec Adrien,
nous sommes tombés sur d’énormes araignées. Il n’existe que 3 espèces
dangereuses en Nouvelle-Zélande dont une mortelle : la Katipo (elle
ressemble à la veuve noire). En revanche, il n’y a pas de serpents à redouter
ici vu que le pays en est dépourvu. J’ai aussi débusqué des rats dans leur
nid ; mais je n’ai pas encore vu les fameux opossums tant haï et chassé
ici. Le travail est physique mais reste réalisable grâce aux nombreuses paires
de bras des wwoofers, c’est une motivation supplémentaire pour réaliser
certaines tâches. Nous ne souffrons pas trop de la météo même si le temps un
très variable en ce moment (pluie torrentielles et grand soleil dans la même
demi-heure). De ce fait nous évoluons dans la boue et l'argile à longueur de journée c’est
un peu le petit côté déplaisant de l’hiver.
Le chemin pour aller chercher du bois passe dans la jungle
au milieu des fougères argentées.
Une grosse araignée appelée Vagrant Spider découverte par
Adrien.
Je
trouve les travaux à la ferme intéressants, mais j’apprécie vraiment les
moments de liberté entre wwoofers ou avec la famille d’accueil. La plupart du
temps on discute de nos vies respectives et puis on s’essaye aux autres langues
(j’ai commencé à apprendre à compter en chinois mais ce n’est pas
évident !). J’ai ainsi vu que malgré nos différences nous partageons
beaucoup de points communs sur nos goûts et sur nos loisirs (séries
américaines, Internet et ouverture d’esprit, éducation) ; je pense que
c’est lié à l’âge (j’ai 27 ans et les wwoofers ont entre 21 et 31 ans) et
que les jeunes générations suivent un modèle mondialiste ! On passe aussi
beaucoup de temps à jouer à des jeux de carte comme par exemple le jeu chinois
le Landlord (en chinois : Do Di Zhu). Notre maison de wwoofers baigne dans
une bonne ambiance multiculturelle, il fait bon y vivre. Nous apprécions nous y
retrouver, tout comme le soir dans la maison d’Audrey pour les repas commun
devant des films américains. L’autre soir Audrey nous a montré les photos de la
ferme à ses débuts en 1989 ainsi que les feedbacks des précédents wwoofers
recueillis dans des livres.
Nous
faisons aussi quelques sortis en dehors de la ferme, ne serait-ce que pour
aller à Warkworth pour bénéficier du wifi et faire quelques courses
spécifiques. D’ailleurs, un soir nous sommes allez observer des
« glowworms », il s’agit comme le nom l’indique de vers luisant. Ce
ne sont pas les larves à l’allure d’insecte comme en France mais de minuscules
verts qui émettent une lumière bleutée. On en trouve un peu partout sur l’île
du Nord (même maintenant en plein hiver), ils se concentrent dans les cavernes
mais on peut les observer le long de talus humides. Ce même soir nous avions à
la fois un magnifique ciel étoilé et un simili ciel étoilé le long de la route
avec la présence des gloworms. Ensuite nous avons passé la soirée dans un
ancien bus transformé en petite maison et tenté de rallier le sommet de la
montagne à travers la forêt. Nous avons dû rebrousser chemin car à cause de la
nuit nous avons manqué de nous perdre. Une autre soirée nous avons découvert le
petit village de Matakana, entre wwoofers, juste pour manger et boire un coup.
Ce fut l’occasion de découvrir les curieux WC de la ville en forme de visages. Hier nous sommes
allez avec Aaron, Adrien et Johannes découvrir la plage de Pakiri ; une
grande plage faisant face au Nord qui m’a rappelé Omaha Beach.
Un des fameux glowworms.
La voie lactée de l’hémisphère Sud depuis la ferme :
sans pollution lumineuse.
Pakiri Beach : un lieu reculé mais incontournable !
Un Haka improvisé à la plage de Pakiri!
Le
temps passe bien vite ici (pratiquement 15 jours de wwoof !), je n’ai pas
vraiment le temps de lire ou de travailler davantage mon anglais, ni même
préparer l’après wwoofing mais ce n’est pas un problème vu que je compte passer
l’hiver dans cet endroit en bonne compagnie et au chaud.
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